jeudi 16 mai 2013

De la participation collective, une réflexion sur le crowfunding.

Et je vous illustre ça avec un KS à venir, en plus...


Kickstarter, Indiegogo… Des termes qui doivent aisément parler aux figurinistes et fan de jeux de plateaux que vous êtes. Le phénomène est devenu aujourd’hui incontournable, et chaque jeu qui se lance se fend de son petit évènement de collecte pour financer son produit.

L’idée est bonne, et dans l’air du temps. Un particulier, une boite, lance son projet via une plateforme pour réunir le financement nécessaire au lancement de son produit. Si un certain seuil demandé est atteint, le projet est financé. S’il ne l’est pas, et bien… Ciao !

En ces temps où l’on nous rebat les oreilles sur le thème de la crise économique, ce système est un bon moyen de s’assurer de lancer un projet qui va fonctionner. Une sorte de prévente avant la conception du produit, en somme.

Le récemment terminé de financé Kensei.

Ce système a permit le financement de petites gammes ma foi fort sympathique. Combien de gammes réduites de figurines (ensemble de gobelins pirates, champions nains, gladiateurs, peuplades d’Amérique du sud, petit jeu steampunk, etc.) n’auraient jamais vu le jour sans cela ? J’ai même eu l’occasion de voir passer une gamme de velociraptors commandos de l’espace (en armures, avec fusils d’assaut et à motos, s’il vous plait !) en format 6mm ! Dur de lancer de telles gammes sans être assuré que les achats suivent derrière.

Seulement, force est de constater que le système s’est perverti avec le temps. Kickstarter est devenus le meilleur représentant de ce problème. Ce qui, à la base, devait permettre à des acteurs naissant de se lancer sans trop de gros risques est devenu avant tout une plateforme de prévente ou les gros acteurs rivalisent de paliers offrant toujours plus de chose.

Là ou, par exemple, un jeu comme Arena Rex proposait, une fois son financement atteint, divers paliers permettant d’augmenter la diversité de l’offre (plus de gladiateurs différents, en somme), un rouleau compresseur comme Reaper ou Guillotine Game (soutenu par CoolMinis, rappelons-le) va surenchérir dans l’offre de matériel supplémentaire et, ne l’oublions pas, gratuit. 

Warpath, de Mantic. Un auteur qui a multiplié les KS alléchants ces derniers temps.

Zombicide est un excellent exemple. Le premier Kickstarter du jeu a été un énorme succès (plus de 700K dollars réunis) proposant un jeu d’excellente facture avec une belle somme de goodies. Soit. La boite était jeune, et même s’il y avait du beau nom, et un gros soutient derrière, la démarche est sensée. Fort de son succès, GG a choisit de lancer la version 2 de son jeu de la même façon… Avec l’immense succès que l’on connaît : plus de deux millions ont été réunis et l’offre est indécente tant les gooddies offerts sont nombreux (et quand on voit le prix auquel s’arrachent les survivant de la saison 1 sur Ebay…).

C’est là que, personnellement, je suis gêné. Zombicide saison 2 était un succès assuré. Cela s’est d’ailleurs vu sur les premiers paliers, peu aguichant. Le jeu était assuré de toucher un public important et ne mérite clairement pas un statut d’outsider sortit de nul part. Et de là (et par extrapolation, pour tout KS de ce type), j’estime que le système est perverti, avec deux conséquences importantes.

La première est une évidence : les attentes lors d’un KS sont de plus en plus importante. Combien de fois ais-je pu lire « Mouais, les paliers sont pas terribles » pour un produits issus d’un petit éditeur ? La multiplication des gros lancements cache terriblement les plus petits. Un Kickstarter nécessite de donner du bonus à tous va pour être reconnus… Ce qu’une petite boite qui se lance ne peut, évidement, pas se permettre. Notre échelle de jugement est ainsi faussée : on attend, et c’est bien logique, d’avoir de nombreux cadeaux offerts (les paliers payants étant nettement moins sexy) pour avoir la sensation « d’en avoir pour son argent ». Le comparatif se fait ainsi entre gros et petit KS là ou il devrait se faire entre KS et prix du marché pour un produit similaire.

Arena Rex, mon petit chouchou de ces derniers mois.

La seconde conséquence découle de la multiplication des KS. Quasiment tous les jeux se lancent par ce biais, désormais. Pour une petite boite, pas de soucis. Pour une grosse, une conséquence perverse peut naître du financement : l’exclusivité au KS.

On le sait, la figurine est un marché de niche. Les ressources y sont limitées, et avec la multiplication des offres, les clients doivent de plus en plus cibler leurs achats. De ça découle le risque de n’avoir qu’une seule édition d‘un jeu : celle sur KS. Une fois ce financement passé, plus besoin d’édition : le cœur de cible étant touché, refinancer une impression représenterait un gros risque.

Le risque n’est ni isolé, ni anodin. D’énorme succès (Last Day on Earth en premier lieu) ont « souffert » de ce phénomène : un succès monstrueux mais une seule édition du jeu, sans réédition possible, car celle-ci représenterais un risque financier. D’où une grosse frustration pour ceux n’ayant pu acquérir le précieux produit. 

Robotech, un déjà très gros succès...

Sur KS, le phénomène fait boule de neige : « J’ai raté ce KS, je ne vais pas me faire avoir pour celui-ci ». Et le risque est énorme, non pas pour les éditeurs, mais pour les revendeurs. Pensez à nos boutiques. Oui, nos petites boutiques de passionnés, déjà mis à mal par la vente en ligne via de grosses plateformes aux prix très compétitifs. J’évoquais Zombicide saison 2, qui a été beaucoup suivit par les fans français. Combien de ventes potentielles du jeu traduit en français ont été avortées suite à la participation au KS par des acheteurs français ?

Le risque étant de ne purement et simplement jamais voir le jeu arriver traduit de part chez nous – un phénomène amplifié par le nombre de traductions amateurs totalement gratuites que l’on peut trouver de par le net. Nombreux sont les jeux touchés par ce problème, par ailleurs. (Relic Knight est traduit avant même sa sortie, Super Dongeon Explore, Dwarf King Hold l’ont été également, rapidement et avec un beau niveau.)

En somme, je reste très mitigé sur le phénomène du financement participatif. Je crains que la multiplication des produits lancés par ce biais n’ait un effet pervers sur nos passions, en ce sens qu’il introduit une échelle de valeur assez distordues, qui risque bien d’handicaper fortement la production à venir. Bien sur, j’espère de tout cœur me tromper sur ce point.

Tablescape par Secret Wapon : une idée excellente pour de belles tables de jeu,soit dit en passant.

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