Et je vous illustre ça avec un KS à venir, en plus...
Kickstarter, Indiegogo… Des termes
qui doivent aisément parler aux figurinistes et fan de jeux de
plateaux que vous êtes. Le phénomène est devenu aujourd’hui
incontournable, et chaque jeu qui se lance se fend de son petit
évènement de collecte pour financer son produit.
L’idée est bonne, et dans l’air du
temps. Un particulier, une boite, lance son projet via une plateforme
pour réunir le financement nécessaire au lancement de son produit.
Si un certain seuil demandé est atteint, le projet est financé.
S’il ne l’est pas, et bien… Ciao !
En ces temps où l’on nous rebat les
oreilles sur le thème de la crise économique, ce système est un
bon moyen de s’assurer de lancer un projet qui va fonctionner. Une
sorte de prévente avant la conception du produit, en somme.
Le récemment terminé de financé Kensei.
Ce système a permit le financement de
petites gammes ma foi fort sympathique. Combien de gammes réduites
de figurines (ensemble de gobelins pirates, champions nains,
gladiateurs, peuplades d’Amérique du sud, petit jeu steampunk,
etc.) n’auraient jamais vu le jour sans cela ? J’ai même eu
l’occasion de voir passer une gamme de velociraptors commandos de
l’espace (en armures, avec fusils d’assaut et à motos, s’il
vous plait !) en format 6mm ! Dur de lancer de telles
gammes sans être assuré que les achats suivent derrière.
Seulement, force est de constater que
le système s’est perverti avec le temps. Kickstarter est devenus
le meilleur représentant de ce problème. Ce qui, à la base, devait
permettre à des acteurs naissant de se lancer sans trop de gros
risques est devenu avant tout une plateforme de prévente ou les gros
acteurs rivalisent de paliers offrant toujours plus de chose.
Là ou, par exemple, un jeu comme Arena
Rex proposait, une fois son financement atteint, divers paliers
permettant d’augmenter la diversité de l’offre (plus de
gladiateurs différents, en somme), un rouleau compresseur comme
Reaper ou Guillotine Game (soutenu par CoolMinis, rappelons-le) va
surenchérir dans l’offre de matériel supplémentaire et, ne
l’oublions pas, gratuit.
Warpath, de Mantic. Un auteur qui a multiplié les KS alléchants ces derniers temps.
Zombicide est un excellent exemple. Le
premier Kickstarter du jeu a été un énorme succès (plus de 700K
dollars réunis) proposant un jeu d’excellente facture avec une
belle somme de goodies. Soit. La boite était jeune, et même s’il
y avait du beau nom, et un gros soutient derrière, la démarche est
sensée. Fort de son succès, GG a choisit de lancer la version 2 de
son jeu de la même façon… Avec l’immense succès que l’on
connaît : plus de deux millions ont été réunis et l’offre
est indécente tant les gooddies offerts sont nombreux (et quand on
voit le prix auquel s’arrachent les survivant de la saison 1 sur
Ebay…).
C’est là que, personnellement, je
suis gêné. Zombicide saison 2 était un succès assuré. Cela s’est
d’ailleurs vu sur les premiers paliers, peu aguichant. Le jeu était
assuré de toucher un public important et ne mérite clairement pas
un statut d’outsider sortit de nul part. Et de là (et par
extrapolation, pour tout KS de ce type), j’estime que le système
est perverti, avec deux conséquences importantes.
La première est une évidence :
les attentes lors d’un KS sont de plus en plus importante. Combien
de fois ais-je pu lire « Mouais, les paliers sont pas
terribles » pour un produits issus d’un petit éditeur ?
La multiplication des gros lancements cache terriblement les plus
petits. Un Kickstarter nécessite de donner du bonus à tous va pour
être reconnus… Ce qu’une petite boite qui se lance ne peut,
évidement, pas se permettre. Notre échelle de jugement est ainsi
faussée : on attend, et c’est bien logique, d’avoir de
nombreux cadeaux offerts (les paliers payants étant nettement moins
sexy) pour avoir la sensation « d’en avoir pour son argent ».
Le comparatif se fait ainsi entre gros et petit KS là ou il devrait
se faire entre KS et prix du marché pour un produit similaire.
Arena Rex, mon petit chouchou de ces derniers mois.
La seconde conséquence découle de la
multiplication des KS. Quasiment tous les jeux se lancent par ce
biais, désormais. Pour une petite boite, pas de soucis. Pour une
grosse, une conséquence perverse peut naître du financement :
l’exclusivité au KS.
On le sait, la figurine est un marché
de niche. Les ressources y sont limitées, et avec la multiplication
des offres, les clients doivent de plus en plus cibler leurs achats.
De ça découle le risque de n’avoir qu’une seule édition d‘un
jeu : celle sur KS. Une fois ce financement passé, plus besoin
d’édition : le cœur de cible étant touché, refinancer une
impression représenterait un gros risque.
Le risque n’est ni isolé, ni anodin.
D’énorme succès (Last Day on Earth en premier lieu) ont
« souffert » de ce phénomène : un succès
monstrueux mais une seule édition du jeu, sans réédition possible,
car celle-ci représenterais un risque financier. D’où une grosse
frustration pour ceux n’ayant pu acquérir le précieux produit.
Robotech, un déjà très gros succès...
Sur KS, le phénomène fait boule de
neige : « J’ai raté ce KS, je ne vais pas me faire
avoir pour celui-ci ». Et le risque est énorme, non pas pour
les éditeurs, mais pour les revendeurs. Pensez à nos boutiques.
Oui, nos petites boutiques de passionnés, déjà mis à mal par la
vente en ligne via de grosses plateformes aux prix très compétitifs.
J’évoquais Zombicide saison 2, qui a été beaucoup suivit par les
fans français. Combien de ventes potentielles du jeu traduit en
français ont été avortées suite à la participation au KS par des
acheteurs français ?
Le risque étant de ne purement et
simplement jamais voir le jeu arriver traduit de part chez nous –
un phénomène amplifié par le nombre de traductions amateurs
totalement gratuites que l’on peut trouver de par le net. Nombreux
sont les jeux touchés par ce problème, par ailleurs. (Relic Knight
est traduit avant même sa sortie, Super Dongeon Explore, Dwarf King
Hold l’ont été également, rapidement et avec un beau niveau.)
En somme, je reste très mitigé sur le
phénomène du financement participatif. Je crains que la
multiplication des produits lancés par ce biais n’ait un effet
pervers sur nos passions, en ce sens qu’il introduit une échelle
de valeur assez distordues, qui risque bien d’handicaper fortement
la production à venir. Bien sur, j’espère de tout cœur me
tromper sur ce point.
Tablescape par Secret Wapon : une idée excellente pour de belles tables de jeu,soit dit en passant.
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