Sortit
en 1998, Ocarina of Time est sans doute l'un des plus célèbre, si
ce n'est le plus célèbre, des épisodes de la saga. Il est aussi
l'un des plus apprécié. Réussite à tous les points de vue du
passage de la 2D à la 3D, Ocarina of Time est une sorte de pierre
angulaire pour la saga.
Ocarina
of Time est le cinquième opus de la saga Zelda. Il en est le premier
représentant en 3D après une période de développement de
plusieurs années. Sept ans de différence avec A Link to the Past,
cinq avec Link's Awakening (dont la place est quelque peu
particulière, nous y reviendront à l'occasion d'une autre note),
autant dire que l'attente fut longue.
Ce
fut pour Nintendo l'occasion de proposer un nouveau titre fort pour
sa Nintendo 64, utilisant une franchise appréciée pour sa qualité
et renouant ici avec celle-ci. Mais c'est aussi le point de départ
d'une nouvelle vision des Zelda. Entre Legend of Zelda (1986) et
Ocarina of Time (1998), douze ans s'écoulèrent. Douze ans pour cinq
titres en tout et pour tout. De cette date jusqu'à Skyward Sword
(2011), dernier Zelda en date, treize ans se sont écoulé pour...
onze titres ! Une accélération marquée, liée à une nouvelle
façon de percevoir – et utiliser la saga.
Mais
revenons à Ocarina of Time – ou Zelda 64 – et à ce que fut le
titre lors de sa sortie.
Il
est difficile d'imaginer, maintenant, alors que la 3D est la norme
des jeux et que les Zelda sous ce format sont désormais nombreux,
quelle fut la révolution qu'amena le passage de Link de la 2D qui
avait fait son succès à cette nouvelle dimension.
Il
ne s'agissait pas seulement de développer un jeu au graphisme 3D,
mais au gameplay 3D. La nuance peut sembler subtile mais elle fut
essentielle pour déterminer, d'une part, les jeux ayant réussit le
passage à cette nouvelle dimension et, d'autre part, ceux ayant
échoué. Certains ne s'y risqueront d'ailleurs que très lentement,
utilisant différents artifices pour négocier ce passage délicat,
tel que la 3D isométrique d'un Breath of Fire, le mélange 2D/3D
d'un Final Fantasy VII ou le gameplay 2D d'un jeu 3D tel que Crash
Bandicoot. Ceux ayant tenté l'aventure directement et réussit le
passage sont, somme toute, assez rare. Super Mario 64 reste sans nul
doute le meilleurs exemple de passage réussit d'un gameplay purement
2D à un gameplay complètement en 3D.
Bref.
Pour Zelda 64, qu'est-ce qu'un gameplay 3D représente ? Il eut été
assez facile, à première vue, d'adapter une aventure telle que A
Link to the Past sans rien à y retoucher. C'eût été, sans doute,
une belle évolution graphique, mais dans un gameplay resté
désespérément celui de la 2D. Pour une aventure telle que celle
qui fut proposé, il fut nécessaire de pleinement inclure la 3e
dimension. Ce n'est pas tant l'utilisation de donjon à multiples
niveaux, que la visibilité de ceux-ci à tout endroit qui le prouve.
Ainsi, le premier donjon du jeu, l'Arbre Mojo (ou Deku, c'est selon),
met dans cette ambiance particulière. Dès l'entrée dans le donjon,
il suffit à Link de lever la tête pour deviner les étages qui
s'étendent au dessus de lui, et déjà y apercevoir la faune hostile
qui l'attend. Mieux encore, il est désormais nécessaire au joueur
de ne pas perdre de vu que son avancée est entièrement liée à
cette possibilité de voir « partout ». Le plafond
devient un lieu à part entière sur lequel la solution d'énigmes,
mais également le danger, peuvent se trouver présent.
A
nouveau, à ce titre, l'Arbre Mojo est une excellente mise en
bouche. Un niveau d'ascension au départ obligeant à lever la tête,
une descente ensuite qui oblige à conceptualiser l'environnement en
3D et surtout... Un boss qui n'apparaitra que pour celui qui songe à
regarder au dessus de lui. Ce premier boss exprime déjà toute
l'incrustation de l'aventure dans la 3D : au sol, au plafond, les
dangers sont partout, parfois en même temps, et pousse le joueur à
réfléchir, agir et réagir dans un environnement 3D... Incluant un
paramètre essentiel manquant aux précédentes aventure du petit
Hylien. Plus que jamais, il importe d'être attentif à tout dans
l'environnement.
Oui. A l'époque, c'était très beau. Déjà 15 ans.
A
ce changement de gameplay s'ajoute une dimension narrative supérieure
à celle des précédents opus. Souvenez-vous. Dans Legend of Zelda,
le scénario tiens en quelques lignes, voir quelques mots : Link,
jeune aventurier, doit retrouver les éléments éparts de la
Triforce et affronter le seigneur du mal Ganon afin de délivrer la
princesse Zelda. Une fois ceci installé, tout est dit. Les quelques
PNJ que l'on rencontre en cours d'aventure ne sont d'ailleurs guère
loquace, à peine un "prend ceci" de temps à autre. Si les
lignes de dialogue évoluent quelque peu dans les opus suivants
(notamment avec le très vivant village de l'île de Cocolint dans
l'opus GameBoy), le fond reste désespérément le même, avec une
trame narrative faite d'action plus que de mise en scène.
Ocarina
of Time apporte sa propre révolution au sein de cet univers très
fonctionnel. Pour la première fois, la série s'aventure dans le
domaine d'une narration plus poussée, avec la présence de scène
cinématiques narratives permettant de faire avancer tant l'action
que l'histoire en mettant en exergue les détails importants du jeu.
Une courte vidéo présentant le donjon lors de l'entrée de notre
jeune héros au sein de celui-ci peut sembler anecdotiques de nos
jours, mais ce fut un changement profond dans l'esprit de la série.
Il y avait là une vraie différenciation entre le "dehors"
et le "dedans" qui n'existait jusqu'alors pas réellement.
De
la même façon apparaissent de véritables scènes de dialogue
explicatives. Si, jusque là, les interactions de Link et du reste du
monde se jouait à la façon d'un question/réponse sans grande vie,
apparait dans ce cinquième jeu une mise en scène des PNJ qui leur
confère un véritable semblant de vie. Zelda n'est plus seulement la
princesse à sauver : elle agit d'elle-même, prend des initiatives
et tente de sauver ce qui peut l'être. Cet opus, de fait, posent
véritablement les personnages récurrents de la saga autre que le
trio d'origine Link/Zelda/Ganon. Hyrule, royaume immuable et à la
géographie toujours changeante entre les épisodes, se voit doter
d'une histoire. L'univers du jeu acquiert enfin de l'épaisseur.
L'adoration
que les fans de la saga vouent à ce jeu tiens sans nul doute à ces
changements. Non seulement ils renouvellent l'esprit même de la
saga, mais ils se mêlent sans fausses notes dans une alchimie au
service du joueur. Ajoutez à cela que le jeu, à sa sortie, était
considéré comme magnifique (certes, il pique un peu plus les yeux
désormais) et l'on comprend aisément son succès. Il est d'ailleurs
amusant de constater que les jeux les plus souvent cités par les
fans se cristallisent autour de deux titres majeurs : Ocarina of Time
d'une part (l'inventeur du Zelda 3D) et A Link to the Past d'autre
part (l'aboutissement du Zelda 2D) Deux titres qui reflètent,
chacun, une façon toute particulière d'aborder la saga.
Ocarina
of Time aura posé les bases du jeu d'aventure-action en 3D. La
recette fonctionne d'ailleurs tellement bien que la série semble
avoir du mal à se renouveler. Sans doute faut-il y voir aussi
l'attente du public, qui cherche à retrouver ce qui lui a plut par
le passé. Le succès plus que relatif de Majora's Mask (qui
renouvelait l'ambiance de la saga en profondeur) et de Wind Wakers
(qui, lui, tentant un véritable changement lié au gameplay) tienne
sans doute à cela. Twilight Princess connaitra le succès alors même
qu'il n'est jamais qu'une reprise de Ocarina of Time. Avec ce titre,
Nintendo propose "la même chose" mais "différemment".
Un problème ? Oui pour certain, non pour d'autre. Reconnaissons
simplement que l'on touche là à l'aboutissement extrême de la
logique dans laquelle Ocarina of Time fut conçu.
Que
retenir, finalement ? Que Ocarina of Time, malgré son age, conserve
une affection de la part de son public qui ne se réduit pas. Le
choix - et le succès - de le remettre à niveau pour le lancement de
la 3DS de Nintendo n'est pas innocent, loin de là. Ce succès
d'estime et de public tiens sans nul doute à la minutie avec lequel
le titre fut abordé, afin de réussir au mieux le passage de
"l'ancien monde" vers le "nouveau monde".
Un
passage réussit avec habileté et succès.